Félix Tournachon, dit Nadar. Autoportrait tournant, 186
Félix Nadar est né il y a tout juste deux siècles. Derrière le célèbre photographe, on trouve un inventeur protéiforme.
George Sand et ses grandes jupes, Victor Hugo et sa barbe, Baudelaire fantômatique… Félix Nadar a immortalisé tous les grands noms du XIXe siècle. Il a construit une grande partie de leur image, celle fixée dans notre rétine et dans l’inconscient collectif. Il a aussi créé un genre esthétique, le portrait photographique. Le style imprimé par Félix Nadar est si puissant qu’il faudra attendre le peintre Andy Warhol pour y superposer d’autres images aussi virales.
Comment Nadar est-il devenu une légende ? Félix Tournachon, dit Nadar (c’est plus chic, avouons-le), est d’abord un grand curieux et une personnalité obstinée. C’est son appétence pour les nouvelles technologies, son désir de les perfectionner, qui le transformeront en pionnier de l’art.
Doté d’un joli coup de crayon, né dans le papier (son père était imprimeur), Nadar écrit. Avec peu de succès. Il se fait finalement un nom en tant que caricaturiste et collabore à ce que l’on pourrait appeler des journaux d’opposition. Il se passionnera pour la photographie au début des années 1850. Comme Richard Avedon cent plus tard, Félix Nadar cherche alors à réaliser « la représentation de l’intime » et des « portraits psychologiques ». Un axe qui découle de son travail de dessinateur, et, cumulé à son désir d’immortaliser les figures de son époque, le pousse à faire des portraits. Les actrices et poètes qu’il fréquente posent devant son appareil et c’est le succès. Plus rapides qu’un portrait peint, les clichés de Nadar gardent un esthétisme qui séduit les artistes.
Dès les années 1860, son atelier parisien devient une véritable entreprise commerciale. Il y réalise des portraits de célébrités comme de riches anonymes sur commande, multiplie les formats. Son nom devient une marque, son style est copié par les concurrents. Il protège farouchement son pseudonyme, intentant même un procès à son frère Adrien qui souhaitait signer ses propres clichés « Nadar le jeune ». Car Nadar est aussi une affaire de famille. Sa femme, son fils, son frère… tout le monde pense photo, crée des photos ou vend des photos.